Originaire de Nancy, la famille Adam est l’une des plus grandes dynasties (par le nombre) de sculpteurs français du XVIIIe siècle.
Jacob Sigisbert Adam (1670-1747), le patriarche, travailla pour l’essentiel à Nancy où il naquit. Bon sang ne saurait mentir, le gène de la sculpture était dans ses veines car son père Lambert Adam était fondeur. La maison de Jacob Sigisbert existe toujours à Nancy, au 57, rue des Dominicains, sa façade s’ornant de ses bas-reliefs et de statues célébrant les arts et les dieux de la mythologie. Statuaire du duc de Lorraine, par de nombreux bustes et statuettes en terre cuite de Charles V de Lorraine ou de Léopold. Jacob Sigisbert n’a nullement tenté d’en corriger les traits pour les magnifier : visage poupin et prognathisme prononcé. Il eut trois fils qui furent tous trois sculpteurs.
Lambert Sigisbert Adam (1700-1759), dit Adam l’aîné. Il fut d’abord formé par son père à Metz et à Paris avant de passer dix ans à l’Académie de France à Rome, après avoir obtenu en 1723 le grand prix de sculpture. Durant ce très long séjour à Rome, il acquit une technique et une sensibilité au baroque, ce qui ne l’empêchera pas de se rapprocher plus tard davantage de l’art rococo ou « rocaille ». En témoigne sa prédilection pour la mise en scène de l’eau, à travers des sculptures destinées à des fontaines ou des allégories. Il remporta en 1731 le concours pour la fontaine de Trevi à Rome, mais le pape Clément XII ne suivit pas le choix du jury et commissionna un italien, Nicola Salvi. Il travailla aux célèbres cascades du château de Saint-Cloud, sculpta le groupe central du bassin de Neptune, toujours en place dans le parc château de Versailles. Il travailla ensuite au palais de Sans-Souci à Potsdam.
Nicolas Sébastien Adam (1705-1778), dit Adam cadet. Il étudia d’abord avec son père, puis avec son frère aîné, à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Son frère le présenta à Rome au cardinal Melchior de Polignac, pour qui il restaura de nombreux marbres antiques. Il rentra à Paris en 1734. Avec son frère, il travailla sur le grand groupe du bassin de Neptune du château de Versailles. Il œuvra également pour la famille de Rohan à l’hôtel de Soubise. Les pères de l’Oratoire à Paris lui confièrent le décor du portail de leur église. Il fut reçu à l’Académie en 1762. Mais son œuvre la plus remarquable reste le monument funéraire de la reine Catherine, femme du roi Stanislas, dans l’église Notre-Dame-de-Bonsecours de Nancy, commande sans doute obtenue grâce à ses origines lorraines. Exécuté avec un immense raffinement, ce groupe est considéré comme l’un des plus remarquables, et l’un des plus authentiquement émouvants, parmi les monuments funéraires du XVIIIe siècle. Il mourut aveugle à Paris en 1778.
Adam cadet eut lui-même deux fils artistes : Jean Charles Nicolas Adam, peintre et Gaspard Louis Adam (1760 – 1845) sculpteur. Ce dernier est élève à l’Académie royale de peinture et de sculpture à Paris. Il expose au Salon de 1819 un buste du prince de Condé. En 1826, se trouvant sans ressource, il demande un secours au roi dans un placet. Par la suite, la situation de l’artiste ne semble pas être devenue beaucoup plus prospère, car, en 1837, il adresse au roi Louis-Philippe une pétition dans laquelle il réclame une pension alimentaire pour lui et sa femme. Il en bénéficiera jusqu’à son décès à 85 ans.
François Gaspard Balthazar Adam (1710-1761). Le benjamin des trois frères sculpteurs fait son apprentissage en sculpture auprès de son père, Jacob Sigisbert. Sur les traces de ses deux ainés, il voyagea à Rome en 1730 avant de s’installer à Paris. En 1740, il fut classé second au concours du prix de Rome, mais il obtint ensuite le premier prix et retourna en Italie en 1742 comme pensionnaire à la Villa Médicis à Rome. Entre 1747 et 1760, François-Gaspard Adam fut le principal sculpteur de Frédéric II de Prusse au palais de Sans-Souci à Potsdam. Son neveu, Sigisbert-François Michel (1728- 1811), lui succéda dans cette fonction. Son œuvre contribua à diffuser le style rococo français dans le nord de l’Europe. Sa fille Anne épousa un sculpteur de Metz, Thomas Michel. Ils eurent pour fils les sculpteurs Sigisbert François Michel (1727-1811) et Claude Michel, plus connu sous le pseudonyme de Clodion (1738-1814).
Sigisbert François Michel. Membre de l’Académie Saint-Luc1, il fut appelé par le Roi de Prusse pour exécuter des travaux à Berlin. Il revint ensuite à Paris et ne fit plus que des œuvres de fantaisie. Il exposa en 1774, à l’Académie de Saint Luc et au « Salon de la Correspondance2 », divers sujets et, de 1791 à 1800, il figura au « Salon du Louvre ».
Claude Michel, alias Clodion a passé le début de sa vie ainsi que sa formation à Nancy puis à Lille. En 1755, il entre à Paris dans l’atelier de son oncle maternel, Lambert Sigisbert Adam. Il y reste quatre ans, puis devient à la mort de son oncle un élève de Jean-Baptiste Pigalle. Il reçoit en 1759 le grand prix de sculpture puis part à Rome en 1762 où il résidera jusqu’en 1771. En 1773, il est agréé par l’Académie et reçoit sa première commande du Roi en 1779 pour une statue de Montesquieu. En 1781, il épouse Catherine Flore Pajou (1764-1841), fille du sculpteur Augustin Pajou ; ils divorcent en 1794. Du fait de la Révolution, il se retire en Lorraine où il modèle plusieurs vases et statuettes pour la Faïencerie de Niderviller.
Clodion : Pan poursuivant Syrinx sous le regard de l’Amour (vers 1782), Paris, musée du Louvre.
Ainsi, pas moins de sept sculpteurs en quatre générations sur un siècle et demi. On a beau ne pas croire à la transmission des caractères acquis, c’est impressionnant ! On s’étonne presque de ne pas trouver d’héritiers talentueux au XIXe siècle. Peut-être y en a-t-il, et j’ai mal cherché.
1 L’Académie de Saint-Luc, fondée en 1391, est à l’origine, à Paris, la confrérie charitable associée à la Communauté des maîtres peintres et sculpteurs de Paris. Elle a été refondée en 1649 par Simon Vouet. Elle a été supprimée en 1777, avec les autres communautés d’arts et de métiers par un Édit dit de Turgot.
2 Après la suppression de l’Académie de Saint-Luc, Pahin de la Blancherie crée le « Salon de la Correspondance », accessible aux artistes non-académiciens. Toléré par l’Etat, il périclite en 1788.
Billet d’humeur de Dominique Maillard, Président d’honneur de la FNEP