La tradition des vœux fait partie des rituels sociaux. Du désinvolte texto au courrier élaboré, en passant par le coup de fil prolongé, sans oublier la carte « professionnelle », mélange de slogan commercial et de relance du réseau relationnel, la pratique se maintient vaille que vaille, de la veille de Noël à la fin du mois de janvier selon des usages – non écrits mais encore assez suivis. Force est de reconnaître que, la plupart du temps, il s’agit de banalités du type de celles qu’on échange le matin avec les gens que l’on croise dans la rue ou au bureau. On parle un peu de soi, on donne des nouvelles, on en demande. Tout cela est très convenu, rarement original et s’apparente à une formalité à laquelle on attache une importance souvent croissante avec l’âge. Etant plutôt adepte de la forme élaborée (mais chacun ses goûts !), je voulais vous adresser des vœux exceptionnels, non par la qualité (vous en jugerez) mais par le contenu que j’ai voulu plus circonstancié. S’il est une année où des vœux peuvent sortir de l’ordinaire, c’est bien celle-ci. Je pense qu’à l’instar d’autres années charnières où l’envie devient pressante de tourner la page, 2021 nous donne hâte de passer à « autre chose ». Il y eut sûrement dans le passé des années du même genre et bien plus graves. Que ce soit la sortie de grandes épidémies de peste, de choléra ou même de grippe espagnole ; la fin de grandes guerres éprouvantes et dévastatrices en 1919, 1945 ou l’issue de conflits civils ravageurs comme les guerres de religion – mais en connait-on la fin ? Si, avec le recul, on considèrera que l’épidémie de coronavirus n’a rien de comparable à ces événements historiques tragiques, l’épreuve tant physique que morale a été telle que nous aspirons à retrouver un autre contexte. C’est ce qui m’a guidé dans la formulation de ces vœux particuliers qui, vous me le pardonnerez, dérogent à la sempiternelle « bonne année, bonne santé et excellentes fêtes ». Qu’est-ce donc que je nous souhaite ?

Ouvrir les yeux sur la réalité : notre démocratie est loin d’être parfaite mais notre pays va bien et mieux que beaucoup d’autres dans le monde, tant du point de vue des libertés publiques que de l’économie. Les incrédules peuvent lire avec profit le dernier ouvrage d’Hervé Le Bras : Se sentir mal dans une France qui va bien -La société paradoxale (mai 2019).

En politique, sortir du mou et de « l’en même temps » dévastateur. En finir avec une forme de gouvernement velléitaire et indécise. Gouverner ce n’est pas chercher à faire plaisir à tout le monde en espérant recueillir des voix pour une éventuelle réélection. La popularité – comme l’impopularité d’ailleurs – n’est pas un critère de bonne gouvernance. Revenir à plus de modestie en évitant l’arrogance et la suffisance, propres aux gens (trop) intelligents.

Appeler un chat un chat et abandonner cette langue de bois condescendante qui déguise la vérité. La meilleure façon de traiter un handicap c’est de l’appeler par son nom plutôt que de feindre l’ignorer. Cela est vrai du physique comme du social et du sociétal. Le « politiquement correct » devient un langage codé, hypocrite et conformiste, qui ne résout pas les problèmes pas plus que l’écriture inclusive ou la féminisation des noms de métier ne règlent la question des inégalités homme-femme.

Dénoncer l’imposture démagogique des écologistes sectaires qui, sous couvert de défendre la planète (qui n’en a cure), rêvent de l’instauration d’une société policière du contrôle et de la régression. Il serait temps d’arrêter de nommer un (ou une) écologiste à la tête du ministère du même nom. C’est un sujet trop sérieux pour leur être confié, à l’instar du ministère de la défense dont le titulaire n’est plus un général depuis belle lurette.

Reconnaître et encourager le dynamisme entrepreneurial. Être fier des réussites de notre économie et de nos entreprises. Secouer le joug de la bureaucratie envahissante et sclérosante. Bousculer, si nécessaire, la machinerie bruxelloise, imprégnée de principes économiques naïfs, simplistes et simplets, en tout cas inadaptés à la jungle commerciale mondiale autant américaine que chinoise. Dans un registre voisin, admettre que les relations internationales relèvent de la Realpolitik et non de bons sentiments « bisounours » ou de discours convenus droit-de-l’hommistes.

En finir avec la tyrannie cathodique de certains intellectuels donneurs de leçon en se rappelant l’excellente définition de l’essayiste américain Tom Wolfe[1] : « un intellectuel, c’est quelqu’un qui connaît parfaitement un domaine, et qui n’intervient que dans les autres. »

Combattre réellement la violence, non par de belles et guerrières paroles ou, pire encore, par de nouveaux textes législatifs ou réglementaires, mais par des actions efficaces couvrant aussi bien la répression, nécessaire, que l’éducation, indispensable. Reconnaître qu’un État sans police efficace est une pétaudière, même si cela contrarie les anarchistes gauchisants et les intellectuels éthérés germanopratins.

Certains d’entre vous ne seront pas d’accord ou qualifieront tout cela de « vœux pieux ». Soit. J’en termine par un mot plus personnel sur ce que chacun d’entre nous peut rechercher : le bonheur. Je vous recommande la recette tirée du manuel d’Epictète : « ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent et tu seras heureux ». Si cela vous paraît au-delà de vos forces et que vous ne vous sentez pas stoïcien, vous pouvez rejoindre Jean Rostand qui, avec une pointe d’humour, nous déclare « Je me sens très optimiste quant à l’avenir du pessimisme ».

[1] Tom Wolfe (1930 – 2018) est un journaliste, essayiste et romancier américain qui est notamment l’auteur de l’Etoffe des héros (1983) et du Bûcher des vanités (1990). Un auteur-culte pour certains.

 

Billet d’humeur de Dominique Maillard, Président d’honneur de la FNEP