Dominique Maillard

Quand en 2013 Hubert du Mesnil me passait le témoin à la présidence de la FNEP, je n’imaginais pas le chemin que nous avions à parcourir ou plutôt le parcours de Sisyphe qui allait être le nôtre. Certes, sous son égide et avec l’acharnement de la déléguée générale, la FNEP était sortie revigorée d’un long passage à vide où ses membres s’évaporaient et sa notoriété s’émoussait de manière rédhibitoire. La vie est un éternel recommencement, seule la défaite signifie la fin de tout disait le philosophe. De défaite nous n’avons pas eu mais que de recommencements ! Certains sont la nature même de notre activité.

Recommencement des cycles d’abord. Nous avons connu de 2012 à 2014 le cycle des risques : Face aux crises, courage changeons ! ensuite Cap vers la confiance puis Réconcilions économie et écologie. Le cycle de l’innovation s’est ouvert en 2015 avec All you need, innove, puis en 2016 Oser l’Innovation. Le dévouement de nos « mentors » est pour beaucoup dans le succès de ces missions, qu’ils en soient chaleureusement remerciés. Mais en première ligne se trouve l’implication des lauréats eux-mêmes. C’est d’abord pour eux que la Fondation existe. La plupart l’ont bien compris et assument malgré leurs contraintes professionnelles une mobilisation de tous les instants pour garantir le succès des travaux. La grande ambition de la Fondation depuis sa création, à l’époque de la réflexion sur la « Nouvelle société » française, consiste, par devers tout, à contribuer à l’évolution de nos pratiques dans les dimensions culturelles, économiques et politiques. Cela reste d’actualité plus de 45 ans après l’origine.

Recommencement des membres et des partenaires ensuite. Notre tour de table se redessine régulièrement. Toujours une écrasante majorité d’entreprises publiques, mais nous sommes fiers d’attirer aussi l’univers contigu avec Siemens, Orange, Atos et Transdev. Nos fidèles de l’Université et des Grandes écoles sont toujours à nos côtés, de l’école des Ponts à Sciences-Po en passant par l’ENA et l’école des Mines. Notre rapprochement, notamment géographique, avec l’heSam (hautes écoles, Sorbonne, arts et métiers) est une novelle ouverture riche de promesses. Les différentes composantes de l’administration ne sont pas en reste. Outre une proximité traditionnelle avec les ministères de l’économie, de la recherche et de l’enseignement supérieur, et celui de l’environnement, nous nous réjouissons du rapprochement récent avec le ministère de la défense qui nous a adressé de brillants officiers de l’école de guerre.

Recommencement des équipes aussi.  Comme la roue tourne, l’équipe dévouée du délégué général et secrétariat se renouvelle aussi. François Vaquer a pris avec brio le relais de Sylvie Lainé comme délégué général, le secrétariat général est tenu d’une main ferme par Pierre Azoulay, compagnon de route de la Fondation et ancien lauréat lui-même. Patricia Fournier remplace Nicole Lefour pour assurer la publication des travaux et veiller à la bonne notoriété des actions que nous menons. Un nouveau trésorier, Alain Dubail, après de nombreuses années de gestion rigoureuse de nos fonds par Anne Marie Georges. François Lefèvre enfin, seul salarié permanent, est le « gardien de la maison » sur le plan de l’administration, de la gestion et des dépenses courantes. Merci à tous et à toutes pour ces contributions essentiellement bénévoles mais accaparantes.

Recommencement dans la permanence avec le soutien constant des deux associations qui rassemblent les amis de la Fondation. Le club des anciens lauréats d’abord où j’ai pu bénéficier du soutien de trois présidents successifs, Bruno Auger, Jean-François Cuvier puis aujourd’hui David Causse. Aucun d’entre eux n’a jamais mesuré sa peine pour assister la Fondation et l’aider à rayonner, chacun l’a fait avec son style et son tempérament, le point commun étant l’engagement et la détermination. Un mot pour remercier l’association des amis de la FNEP, présidée avec constance et brio par François Gerin qui nous appuie efficacement de l’intérieur comme membre du conseil d’administration et aussi de l’extérieur auprès des entreprises amies.

Recommencement avec un nouveau président maintenant. Dans ces fonctions, j’ai eu le beau rôle : un peu de représentation dans les grands événements, un zest de coordination en présidant les réunions du bureau et du conseil d’administration, une pincée de lobbying pour rameuter nos membres présents ou pressentis, une petite dose de réflexion pour contribuer à la définition des missions et à la relecture du rapport. Pourquoi s’arrêter alors ? Pour deux raisons : les textes constitutifs l’exigent, le président doit être un dirigeant en activité choisi parmi les membres de la Fondation, ensuite il est bon de renouveler l’approche et je suis persuadé que mon successeur, qui connaît déjà la Fondation pour avoir été le « mentor » de la mission 2011, tracera le chemin vers de nouveaux horizons radieux. En pastichant Lampedusa il faut que tout recommence pour que tout soit pareil, mais le changement reste nécessaire.

Que vais-je retenir de ces quatre années ? Dans la foule des images ou des idées glanées au fil des travaux de la Fondation auxquels j’ai eu le bonheur d’être associé, il me revient la réflexion chère à Talleyrand « Quand je m’observe, je m’inquiète. Quand je me compare, je me rassure ». Certes, en France, nous adorons nous désoler et pleurer sur nos malheurs, nos échecs et nos insuccès. Pourtant si nous nous comparions davantage, tout en restant modestes, nous aurions quelques motifs de réconfort. Je ne veux pas dire qu’il n’y a rien à apprendre des exemples étrangers, bien au contraire, c’est pour cela que la Fondation recherche la confrontation des pratiques étrangères avec les nôtres sur les différents thèmes retenus. Je retiens simplement que l’intelligence des situations est indispensable parce qu’elle permet de choisir les bonnes solutions et pas seulement les bonnes recettes, c’est cela le côté « rassurant » de la comparaison. C’est du moins l’enseignement que j’en tire pour ma part.

Longue vie à la Fondation, à 48 ans elle fera encore des conquêtes, c’est le bel âge ! Et qu’elle soit une force de construction car on ne subit pas l’avenir, on le fait (Georges Bernanos).

Je sais que cette énergie de bâtisseur habite mon successeur, Jérôme Nanty.

Dominique Maillard