par Bruno AUGER, lauréat 1999 de la FNEP, directeur ferroviaire chez Kéolis
Dans le cadre de la mission FNEP 2018, intitulé : « Quelle politique d’aide à la production, quelle stratégie ? Pourquoi et comment faciliter la production en France », la FNEP a participé à un colloque organisé par les Voix de l’Economie à Lille sur le thème de l’industrialisation des territoires.
Les débats, animés par Claire Fournier, permettaient de confronter les idées de think-tank de renommé nationale . La FNEP était partenaire de cet évènement, auquel participaient le Cercle des Economistes, Coe-Rexecode, la Fabrique de l’industrie, l’Institut Montaigne, Génération Libre, l’institut de l’entreprise, la Fondation Concorde, l’OFCE, La Fondation Jean-Jaurès, la Fabrique Spinoza. J’accompagnais donc François Vaquier délégué général de la FNEP, et Christophe Mieyeville (GRTgaz) membre de la mission 2018 et je propose de vous rendre compte de ces débats.
Les interventions ont vite fait apparaitre un consensus large sur cette question économique et sociale : La France s’est désindustrialisée plus rapidement qu’aucun autre pays. La révolution actuelle, avec l’internet des objets, le big data, l’intelligence artificielle, permet de reposer la question de l’implantation géographique de nombreuses activités dans le territoire. Il est donc essentiel de profiter de cette opportunité, de se mettre en position d’être dans la course pour profiter de ces évolutions.
Pour cela, un certain nombre de propositions ont été émise. Je cite en vrac :
- La clarification du rôle de l’Etat, qui doit se concentrer sur la mise à disposition d’infrastructures. Aujourd’hui encore, 40% du territoire n’est pas couvert par la 3G ; cela signifie que de simple fichier comme des fichiers PDF ne peuvent pas être envoyés de ces zones. Il faut donc vite corriger cet état de fait, pour permettre à ces territoires de profiter de la croissance liée au numérique (consensus entre Patrick Waitz, fondation Travailler Autrement et Quentin Comet, de Génération Libre)
- La délégation aux régions et autres niveaux de décisions locales de la politique économique, et donc des décisions de micro-économie. Ces acteurs comprennent mieux les problématiques locales, et donc sont plus à même d’appréhender les conséquences de leurs décisions (consensus entre Patrick Waitz, Fondation Travailler Autrement et Quentin Comet, de Génération Libre)
- La nécessité pour chaque territoire de se doter d’une stratégie, en fonction de ses atouts, son histoire, et ses ambitions. Mais attention, cette stratégie territoriale doit être aussi cohérente au niveau national. Il ne s’agit pas de provoquer des concurrences géographiques destructrices, mais plutôt de travailler sur la complémentarité (Jacques Mariot – La Fabrique Spinoza)
- L’importance du rôle des métropoles, qui doivent tirer l’activité de leurs régions. Si ces métropoles créent des emplois tertiaires, elles ne peuvent le faire sans une base industrielle solide à proximité (Gregory Sanson, CFO Bonduelle et président de Lille Place Financière)
- L’importance de la formation pour s’adapter à cette révolution numérique. Les emplois de demain sont pour partie non connus. Il faut donc apprendre à apprendre, mais aussi sans doute travailler sur la formation continue pour tirer parti de ces changements (Philippe Ansel – Fondation Concorde)
Ce débat faisait naitre aussi quelques sujets de débats :
- La compréhension du rôle de Paris et de l’Ile de France. Est-ce le moteur économique de la nation, avec 27% de la richesse nationale pour 19% de population ? (Paul Alibert, Institut de l’Entreprise). Ou au contraire un modèle à bout de souffle avec 80% des salariés qui demandent à aller travailler en province et ne sont pas satisfaits de leurs conditions de vie (Philippe Ansel – Fondation Concorde)
- Faut-il aider les territoires, ou au contraire les personnes ? (Quentin Comet – Génération Libre, mais aussi Pierre Madec de OFCE). Après tout, si un territoire moins utilisé ne freine pas l’efficacité collective, il n’y a rien de dramatique
- La question des objectifs politiques sur cette question des territoires : cherche-t-on uniquement le développement économique, ou alors une certaine qualité de vie, un bonheur de vivre qui est par nature moins mesurable ? (Jacques Mariot – La Fabrique Spinoza)
- Et une question d’efficacité collective : faut-il aider les territoires les plus en retard, ou au contraire ceux qui sont le plus dynamique ? (Eugénie Tenezakis – La fabrique de l’industrie)
Bref, ce débat était très animé, très vivant, et source d’inspiration. Mais c’était aussi d’abord un débat théorique, avec au final peu d’industriels. A ce titre, les témoignages locaux étaient très utiles pour nous remettre les pieds sur terre.
Ce débat théorique était d’ailleurs avant tout un débat parisien, les think-tank intervenant étant des organisations nationales. Et on peut d’ailleurs déplorer que l’assistance peu nombreuse semble montrer que ces débats intéressent peu les acteurs locaux.
Et pour moi, la question de fond n’a pas été posée, ou du moins les éléments de réponse ont été très faibles. Il s’agit de savoir comment réinstaller une dynamique industrielle dans notre pays. Comme l’a dit Jean-Hervé Lorenzi, du Cercle des économistes, faire de la France une start-up n’est pas suffisant pour atteindre nos objectifs en particulier en termes de création d’emploi. Il faut donc chercher ailleurs les réponses à ces questions.
Et sur ce point, les éléments de réflexion venant des Hauts de France restent nombreux. J’en citerai un : pourquoi Toyota est venu s’installer dans cette région, et que peut-on en tirer pour renforcer notre attractivité ?