- Quel est votre parcours professionnel, Thierry, et comment la mission FNEP de 2011 sur le thème des « ressources émotionnelles, ou comment ériger le facteur humain en élément de solidité pour les entreprises et les administrations ? » s’y est-elle insérée ?
Je suis rentré chez Siemens en 1998 au Département « Machines de placement ». J’ai saisi l’opportunité de prendre la responsabilité de ce département pour l’Europe du Sud pendant 5 ans et demi à Munich, ce qui reste une période exaltante de ma carrière. En 2004, j’ai pris la Direction de la division « Machines de placement » France jusqu’en 2008, Siemens ayant décidé cette année de filialiser cette activité. C’est ainsi que j’ai dirigé la création et le développement de cette nouvelle Business Unit (50 collaborateurs, 40 millions de CA) jusqu’en 2010. Cette même année, Siemens m’a proposé de prendre la direction d’une autre entité, le Département Motion Control (80 Millions de CA, 100 collaborateurs), fonction que j’occupe toujours. En ma qualité de dirigeant chez Siemens, j’ai participé dès 2010 à des missions transversales concernant en particulier la refonte de la culture managériale au sein du Groupe : c’est dans ce contexte que François Gerin, Directeur Général adjoint de Siemens France, m’a proposé de participer à la Mission 2011 de la FNEP : n’étant pas un expert des Ressources Humaines, le fait de participer à un tel groupe d’étude était, selon moi, un vrai défi que j’avais à cœur à relever car ce sujet était, et reste, au centre de mes préoccupations managériales.
- Quels souvenirs marquants gardez-vous de votre participation à ce groupe de recherche sur cette thématique si spécifique ?
En premier lieu, j’ai trouvé très intéressant de comprendre comment un tel groupe d’étude, composé de professionnels d’horizons différents et non-experts du sujet, se structure, interagit selon les auras et les personnalités des uns et des autres. Venant d’un univers professionnel industriel très compétitif, je pense que j’apportais au groupe une grille de lecture très pragmatique, très concrète aux problématiques et aux angles d’étude que nous avons souhaité traiter.
S’agissant des experts rencontrés, j’ai souvenir d’un rendez-vous avec une Société coopérative et participative (SCOP) établie à Amiens, où j’ai pu mesurer à quel point l’« humain » avait été placé au cœur des processus de management. Le secteur de l’aéronautique, à travers plusieurs rencontres d’experts dans ce domaine (Air France, etc.), m’a conforté dans cette approche profondément humaine dans les dispositifs managériaux. J’ai découvert également que l’Entreprise RTE (Réseau de Transport d’Electricité) est en pointe sur la prévention des risques psycho-sociaux. A l’étranger, j’ai été marqué par une rencontre avec les collaborateurs d’Ubisoft au Canada : la prise en compte de leur dimension humaine, dans son ensemble, constitue un élément fondamental de l’efficacité opérationnelle de l’entreprise. Et je ne peux pas oublier notre rencontre très forte avec les équipes de Vineet Nayar, PDG de la très importante entreprise indienne de Conseil en informatique « HCL Technologies », et auteur d’un best-seller qui renverse les règles du management : « Employees First, Customers Second »
- Avec le recul de quelques années, quel regard actuel portez-vous sur l’évolution de la thématique traitée par votre Mission ?
Le fait de participer à la Mission 2011 de la FNEP m’a fait changer d’état d’esprit, et je partage désormais plus volontiers la vision de l’entreprise moderne portée par les jeunes générations : pour une meilleure performance de l’entreprise, il est fondamental de remettre la dimension humaine des collaborateurs au cœur du management : à l’intérieur d’un cadre réglementaire fixé par la gouvernance d’une organisation, l’épanouissement de tous est le point de départ d’un cercle vertueux de performance économique. Je porte cette conviction forte au sein même de ma division, par petites touches : par exemple, depuis deux ans, chaque collaborateur est invité à se fixer lui-même un objectif d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle selon ses préférences. Sa ligne hiérarchique accompagne et valide régulièrement cette démarche, dans le respect bien sûr des règles fixées par la gouvernance. Le but étant que le salarié soit déculpabilisé de gérer ce point d’équilibre comme il le souhaite et s’investisse d’autant mieux dans ses missions professionnelles.
Plus largement, je constate que, dans un contexte économique dégradé tel que nous le connaissons depuis quelques années, les prises de conscience sur cette thématique progressent dans tous les domaines (monde économique, société civile, etc. ) : en témoigne la floraison de sites Internet consacrés à la qualité de vie au travail ces dernières années : la prise en compte des émotions et des ressentis des collaborateurs au sein des entreprises et des organisations est devenue moins taboue, plus décomplexée.
- Avez-vous un message à transmettre pour conclure à l’intention de nos lecteurs ?
Je souhaite m’adresser aux personnes intéressées par la démarche très spécifique des Missions annuelles encadrées par la FNEP : selon moi, il y a une richesse insoupçonnée au fait de travailler en groupe de recherche avec des collègues qui n’ont pas une expertise du sujet, et ce pendant un an : cette richesse est un élément particulièrement fondateur dans un parcours professionnel, quel qu’il soit : jamais je n’aurais imaginé trouver les réponses et les clés à mes préoccupations managériales dans les livres, mais bien en allant à la rencontre des Autres et, singulièrement, dans les pays étrangers où j’ai pu mesurer les nombreuses pratiques innovantes en lien avec mon sujet d’étude.
Propos recueillis par François Lefèvre, responsable administratif et financier de la FNEP