Il y a peu de familles aussi nombreuses et ramifiées dont la quasi-totalité des représentants appartiennent au même monde de la musique et du théâtre. Sept générations de Casadesus en témoignent cependant de manière exemplaire et éloquente. Je ne serai pas exhaustif tant les talents de cette famille sont nombreux, variés et connus des mélomanes.

D’origine catalane espagnole, l’aïeule de la famille s’appelle Francesca Casadesus, elle est actrice. Son fils, Luis Casadesus, né à Figueras en Espagne en 1850, émigre en France en caressant le rêve d’être violoniste. Mais pour nourrir ses neufs enfants, il sera typographe puis comptable tout en dirigeant la nuit des orchestres de café-concert. On lui doit une méthode d’apprentissage de la guitare publié en 1913. Il décède en 1919, non sans avoir élevé avec sa femme Mathilde Sénéchal et poussé vers une carrière artistique ou musicale huit de ses neuf enfants. En effet, à l’exception de Robert-Guillaume (1878 – 1940), comédien et chanteur, ses autres enfants seront musiciens :

  • Francis (1870-1954), compositeur ;
  • Rose (1873-1944), professeur de piano ;
  • Henri (1879-1947), violoniste, compositeur ;
  • Marcel (1882-1914), violoncelliste et viole de gambe ;
  • Cécile (1884-1962), pianiste et professeur ;
  • Régina (1886-1961), claveciniste et pianiste ;
  • Marius (1892-1981), musicien, violoniste et compositeur.

Chacun mériterait à lui-seul un développement[1] sur sa carrière, je ne retiendrai qu’Henri Casadesus dont les descendants sur plusieurs générations illustrent brillamment le monde artistique et surtout musical. Henri commence l’apprentissage de la musique en recevant les enseignements de Lavignac et Laforge. Entre 1910 et 1917, il pratique surtout l’alto et dirige également le Théâtre de la Gaité Lyrique à Paris et l’Opéra de Liège en Belgique. Chargé de missions diplomatiques et artistiques à l’étranger, il fonde, en 1901, en collaboration avec Camille Saint-Saëns, la Société des Instruments Anciens destinée à ressusciter sur des instruments de l’époque des œuvres méconnues des maîtres anciens. Cette formation comptait notamment, parmi ses membres, Henri Casadesus (viole d’amour), Marius Casadesus (quinton), Régina Patorni-Casadesus (clavecin), Lucette Casadesus (viole de gambe). Au cours de ses voyages, Henri Casadesus a rassemblé une collection d’instruments rares et anciens qui se trouve actuellement à Boston.

Henri Casadesus a composé plusieurs opérettes (dont Le Rosier, Sans tambour, ni trompette, La Petite-fille de madame Angot) et de nombreuses musiques de film. On lui doit également une méthode de la viole d’amour et 24 Études (1931) pour ce même instrument.

De trois unions successives, il est le père de plusieurs artistes. Catherine Gaudin-Casadesus (1902-1984), violoniste, et Jacqueline Casadesus (1903-1976), pianiste et chanteuse, épouse du comédien Xavier de Courville, par son mariage avec Renée Dellerba, violoniste. Par son union avec la harpiste Marie-Louise Beetz, il est le père de Christian Casadesus (1912-2014), comédien, et de Gisèle Casadesus (1914-2017), comédienne dont je vais reparler. De son mariage avec Jeanne Montange enfin, il est le père de Bernard Casadesus (1924-1994), chanteur et musicologue.

La deuxième génération, enfants, neveux ou cousins comporte à nouveau de très nombreux artistes :

  • Robert Casadesus (1899-1972) pianiste, compositeur ;
  • Gaby Casadesus (1901-1999) pianiste ;
  • Christian Casadesus (1912-2014) comédien, directeur de théâtre ;
  • Catherine Casadesus (1902-1985) violoniste, compositrice ;
  • Jacqueline Casadesus, dite « Pianavia » (1903-1976) chanteuse, comédienne ;
  • Claude Casadesus (1913-1997) violoncelliste ;
  • Gisèle Casadesus (1914-2017) comédienne ;
  • Mathilde Casadesus (1921-1965) comédienne, chanteuse ;
  • Bernard Casadesus (1923-1994) musicologue, chanteur, poète ;
  • Gréco Casadesus (1951) compositeur, producteur.

Gisèle Casadesus fut Premier Prix de comédie au Conservatoire d’art dramatique de Paris à l’âge de 20 ans. Elle entre à la Comédie Française en 1934 où elle interprète les plus grands auteurs classiques et contemporains (Molière, Marivaux, Anouilh, Ionesco, Roussin…). La même année, elle épouse le comédien Lucien Probst (Lucien Pascal de son vrai nom d’artiste). En 1937, au Théâtre-Français, elle crée Asmodée de François Mauriac tandis que le cinéma lui permet d’être la partenaire de Raimu, Jouvet, Jean Gabin, Michel Simon. Elle devient sociétaire de la Comédie Française (la 400e) en 1938. Elle la quittera en 1962 avant d’être nommée sociétaire honoraire en avril 1967. Elle n’abandonne pas le théâtre pour autant et joue encore sur les scènes parisiennes ou internationales Jean Anouilh, Samuel Beckett (Fin de partie), Eugène Ionesco (Ce formidable bordel !) ou André Roussin.

Son mari, Lucien Probst, meurt le 12 août 2006, à l’âge de 100 ans. Ils ont eu quatre enfants : Jean-Claude (1935) dont la carrière est retracée ci-dessous, Martine (1939), Béatrice (1942) et Dominique (1954), tous artistes. À l’âge de 102 ans, elle joue le rôle d’Annette âgée dans Si loin, si proche dans un moyen métrage dramatique. Gisèle Casadesus meurt à son domicile parisien le 24 septembre 2017 à l’âge de 103 ans. Elle est inhumée au cimetière d’Ars-en-Ré, après un service au temple protestant de Saint-Martin-de-Ré.

La troisième génération va toujours comprendre une bonne dizaine d’artistes :

  • Odette Casadesus (1925-1999) auteur, poète ;
  • Jean Casadesus (1927-1972) pianiste ;
  • Guy Casadesus (1932-2011) co-fondateur de l’association Robert Casadesus ;
  • Jean-Claude Casadesus (1935) chef d’orchestre, compositeur ;
  • Renée de Courville (1938-1919) comédienne, danseuse ;
  • Martine Pascal comédienne (1939) ;
  • Bernadette Bernard (1942-2014) comédienne, chanteuse, mime ;
  • Patrice Casadesus (1945) assistant-réalisateur ;
  • Béatrice Casadesus (1942) peintre, sculpteur ;
  • Dominique Probst (1954) compositeur ;
  • Frédérick Casadesus (1959) auteur.

 

Jean-Claude Casadesus commence sa carrière comme percussionniste, avant d’étudier l’écriture puis la direction d’orchestre notamment de Pierre Boulez. Il est engagé à 30 ans comme directeur musical du Théâtre du Chatelet avant d’être nommé en 1969 Chef permanent à l’Opéra de Paris et à l’Opéra-Comique. En 1976, il fonde l’Orchestre National de Lille, dont il restera le directeur artistique jusqu’en 2016. Ses attaches lilloises lui valent de rejoindre en décembre 1981 le cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy. Cet épisode politique est éphémère et, en qualité de chef invité, Jean-Claude Casadesus se produit sur les scènes internationales et s’illustre dans la direction d’opéra.

De 2005 à 2008, il est le directeur musical de l’Orchestre français des Jeunes. En 2019, Jean-Claude Casadesus dirige l’Ave Maria de Caccini avec l’Orchestre Philharmonique du Maroc, et trois chanteurs de confessions religieuses différentes au Centre de Formation des Imams de Rabat en présence du Pape François et du Roi du Maroc Mohamed VI. Jean-Claude Casadesus est actuellement le directeur artistique du Lille Piano Festival, le président de l’École Supérieure de Musique et de Danse de Lille et le président de Musique Nouvelle en liberté.

Jean-Claude Casadesus épouse en premières noces Pénélope Copeland dont il a deux enfants, Caroline, cantatrice (née en 1962) et Sébastien Copeland, photographe, (né en 1964). D’une seconde union il a un fils qui fit une courte carrière d’acteur de sitcom, sous le nom de scène d’Olivier Sevestre et qui est aussi mannequin.

La génération suivante (la quatrième), composée de très nombreux cousins, comporte à nouveau une grosse poignée d’artistes dont les plus connus sont :

  • Axel Chambily-Casadesus (né en 1957), compositeur, organiste et mathématicien, fils d’Odette Casadesus ;
  • Nathalie Holt (née en 1959), décoratrice de théâtre et peintre, fille de Martine Pascal et Willy Holt ;
  • Olivier Holt (né en 1960), chef d’orchestre, fils de Martine Pascal et Willy Holt ;
  • Caroline Casadesus (née en 1962), cantatrice, fille de Jean-Claude Casadesus, mariée au violoniste Didier Lockwood ;
  • Juliette Mailhé (née en 1964), comédienne, fille de Béatrice Casadesus ;
  • Sébastien Copeland (en) (né en 1964), photographe, fils de Jean-Claude Casadesus ;
  • Olivier Casadesus (né en 1970), acteur et mannequin, fils de Jean-Claude Casadesus ;
  • Jean-Christophe Casadesus (né en 1972), guitariste et professeur de musique, fils de Patrice Casadesus ;
  • Tatiana Probst (née en 1987), chanteuse lyrique, fille de Dominique Probst ;
  • Barbara Probst (née en 1989), comédienne, fille de Dominique Probst.

Pour l’illustrer et rester sur la même lignée je vais résumer la carrière de Caroline Casadesus. Elle se tourne vers le chant après des études d’histoire. Avec un large répertoire lyrique, la soprano se produit régulièrement en récital dans des œuvres de Brahms, Schumann, Mahler, Poulenc, Chausson et interprète aussi les grands airs d’opéra de Mozart, Verdi, Puccini…Avec différentes formations symphoniques, elle chante l’oratorio (les requiem de Verdi, Brahms, Mozart, Fauré…), elle tourne en Europe, en Russie, aux Etats-Unis avec les grands airs du répertoire lyrique, mais interprète aussi les compositeurs contemporains. Avec Didier Lockwood (qui fut son mari) et Dimitri Naïditch, elle s’installe au théâtre Pépinière-Opéra à Paris puis à la Gaîté Montparnasse en 2005 dans un spectacle explosif et en partie autobiographique, « le Jazz et la Diva », mis en scène par Alain Sachs. Salué par une presse unanime, ce spectacle est nommé aux victoires de la musique 2006, et remporte le Molière 2006 du spectacle musical, internationale. Avec la comédienne Catherine Chevallier, elle crée « Bella Donna », spectacle rassemblant art lyrique, danse, comédie et musique improvisée.

Elle a trois enfants, Thomas Enhco et David Enhco de son premier mariage avec Jean-Étienne Cohen-Séat, et Mathilde Lockwood.

C’est donc la dernière génération (la cinquième), celle des trentenaires contemporains dont la célébrité est encore à venir que l’on peut croiser aujourd’hui dans le monde du spectacle et de la musique. Je n’en citerai que quatre :

  • David et Thomas Enhco (nés en 1986 et 1988), musiciens de jazz, fils de Caroline Casadesus et Jean-Étienne Cohen-Séat ;
  • Raphaël Holt (né en 1987), cinéaste, fils d’Olivier Holt et Véronique Murillo ;
  • Mathilde Lockwood (née en 1995), musicienne et cavalière, fille de Caroline Casadesus et Didier Lockwood.

Même si sa carrière est à peine entamée, parlons un peu de Thomas Enhco, digne rejeton de la famille. Il fait ses premiers pas en musique dès l’âge de trois ans par l’apprentissage du violon puis par celui du piano, à six ans. Il suit une double formation, classique et jazz, qu’il poursuivra durant toutes ses études. À l’âge de six ans, il donne quelques concerts au sein d’un groupe d’enfants, le Little Jazz Band, dans des fêtes de village de Seine-et-Marne. En 1998, son beau-père Didier Lockwood l’invite à jouer au festival Jazz à Juan et le convie ensuite régulièrement à ses propres concerts pour jouer quelques morceaux. À douze ans, Thomas Enhco entre au Centre des musiques Didier Lockwood (CMDL). En 2005, il est admis au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris en « jazz et musiques improvisées ». Il en est renvoyé deux ans plus tard pour être parti en tournée en Chine et avoir manqué un examen ! De 2006 à 2009, il est lauréat du Fonds d’Action Sacem. En 2013, il est élu « Révélation Jazz de l’Année » aux Victoires de la Musique. Il est choisi par la Fondation BNP Paribas et joue pour la première fois au Festival International de Piano de la Roque d’Anthéron et au Festival Piano aux Jacobins. Depuis plus de dix ans, Thomas Enhco donne en moyenne 100 concerts par an sur tous les continents. Compositeur, Thomas Enhco a écrit plus de 100 œuvres et reçoit régulièrement des commandes d’orchestres, d’ensembles de musique de chambre, de solistes, de chœurs et de festivals. Il a notamment composé un Concerto pour Piano et Orchestre (2017) et un Double Concerto pour Piano, Marimba et Orchestre (2019). Impressionnant…à moins de 32 ans !

Au total cela fait donc plus de quarante artistes, comédiens, compositeurs, musiciens ou chanteurs tous issus du même aïeul, Luis Casadesus, qui a donc tenu son engagement et réalisé son vœu. Et ce n’est pas fini !

[1] Il existe un site Internet très complet sur la famille Casadesus, (avec arbre généalogique) auquel peuvent se référer tous ceux désireux d’en savoir plus encore : http://www.casadesus.com/famille

 

Billet d’humeur de Dominique Maillard, Président d’honneur de la FNEP